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Tiger Queen

Rachel
Dix ans plus tard…

Nous roulions à toute vitesse à travers l’immense prairie que constituait désormais notre domaine, le vent soufflant dans mes cheveux. Je n’avais pas eu le temps de les attacher car nous étions partis trop vite.
Aujourd’hui, la sortie n’allait pas être une balade de santé.
Elle s’annonçait même plutôt désagréable.
« Je leur avais dit, pourtant ! », m’emportai-je avec colère.
À ma droite, David agrippa la poignée de porte et se tourna vers moi.
« Je sais. »
« C'est trop tôt. Je suis pas du tout à l’aise avec ça. Mais ils m’ont pas écoutée. »
« Je sais, mon cœur. »
« Vraiment ?! ».
J’étais au bord des larmes et sentais mon palpitant sur le point d’exploser.
« Parce que là, comme ça, tu m’as l’air vachement calme à propos de tout ça !... »
« Mon ange… », répondit-il calmement, « … que voulais-tu que je fasse ? Je ne peux pas surveiller Jake vingt-quatre heures sur vingt-quatre, quand même. »
Je serrai les dents tout en manœuvrant comme je le pouvais le Mule PRO pour contourner un petit regroupement d’arbustes. Je savais que David n’y était pour rien et que c’était trop facile de m’en prendre à lui, mais j'étais malade d'inquiétude. Et j’aurais aimé qu’il le soit autant que moi.
Le parc animalier de Haines était un endroit magnifique à l'automne, d’autant plus maintenant que le temps se rafraîchissait. Nous roulions en direction vers l’Est du parc, où la forêt boisée côté Ouest se transformait en champs et en plaines. La nature avait repris ses droits ; la faune et la flore avaient trouvé leur place. Nous étions parvenus à recréer un écosystème quasi-idéal.
Des cerfs, des lièvres et même quelques mouffettes peuplaient les terres. Mais également les écureuils, les rats musqués, les marmottes et tous les autres mammifères originaires de Caroline du Nord.
Et bien entendu, les tigres.
Je m’emparais de mon talkie-walkie :
« Ça donne quoi ? La voie est libre ? »
La voix d'Anthony m’apporta une réponse :
« Aucun danger en vue. Vous n’êtes plus très loin de l’autre Mule PRO. »
« Il est toujours au même endroit ? »
« Affirmatif. Mêmes coordonnées satellite que tout à l’heure. »
Je n’aurais pas su dire si c’était bon ou mauvais signe.
David s'accrocha plus fort tandis que j'accélérais.
Nous descendîmes une colline, en remontâmes une autre et finîmes par repérer le deuxième Mule PRO.
Il était perché au sommet de la colline suivante.
Personne autour, à part lui.
Je ressentis un petit pincement au creux de ma poitrine.
S’il leur était arrivé quelque chose…
Je gravis la colline suivante et me stationnai à la va-vite juste derrière le véhicule, en faisant crisser les pneus.
Jake et son père étaient allongés sur le ventre, une paire de jumelles à la main, en train d’observer la plaine en contrebas. A quelques mètres de là, un tigre s’éloignait d’une démarche paisible et chaloupée.
Entre Jake et Carl, se trouvait un petit garçon d’environ cinq ans. Lui aussi tenait des jumelles qui semblaient disproportionnées dans ses petites mains.
Il s’assit par terre et me regarda avec ses grands yeux.
« Maman ! Tu lui as fait peur ! »
Tommy n’était pas le fils de Jake pour rien. Sa tignasse auburn et ses yeux foncés faisaient de lui un Jake miniature, et ça ne risquait pas d’aller en s’arrangeant avec le petit caractère rebelle qu’il était en train d’adopter.
« Va rejoindre tonton dans la voiture. », lui dis-je.
« Mais Maman… »
« Pas de discussion. Que ça saute ! »
Il soupira et se dirigea vers le Mule PRO en traînant les pieds. David l'aida à monter et lui passa la ceinture de sécurité.
« T’as vu, Tonton ? », chuchota Tommy. « T’as vu comme il était gros!... »
« Je veux bien te croire. », lui répondit David en faisant tourner la clé dans le contact.
J’attendis que le moteur se mette à gronder et qu’ils se soient suffisamment éloignés pour retourner voir Jake et Carl.
« J'ai essayé de vous appeler. », dis-je en m’efforçant de rester calme. « Mais aucun de vous n’a répondu. Ni au talkie, ni au téléphone. »
Jake se leva et haussa les épaules.
« Nous les a éteints. J’voulais pas effrayer le tigre. »
« Nous en a déjà parlé plein de fois, Jake. Tommy est trop petit ! Il pourrait lui arriver quelque chose ! »
« O.K. Et donc, il faut attendre qu’il ait quel âge, selon toi ?... », répondit Jake.
« Plus de cinq ans. »
« Il les a presque, ça change pas grand-chose !... »
Carl se leva et épousseta son uniforme du Haines Wildlife Park.
« Hey, pardon, Rachel. C’est d’ma faute. C'est moi qui ai dit à Tommy de-… »
Je mis en garde le grand-père de mon fils en le menaçant du doigt.
« Inutile de couvrir ton fils. C’est lui, le père de Tommy, et il doit prendre ses responsabilités. »
Apparemment intimidé, Carl rangea la paire de jumelles dans son étui et partit la ranger dans le Mulet.
« Y’a pas mort d’hommes. », reprit Jake. « On l’a juste amené ici. »
« D’accord, mais ce n’est pas prudent. »
« On a bien regardé les cartes, avant de partir. Et j’ai emporté tout ce qu’il fallait au cas où. Je crois que tu sous-estimes les capacités de ton fils. Tommy est incroyable pour son âge... Et il a bien compris les consignes. Il reste toujours calme et prudent… Il fait rien de mal. Il observe juste la nature ».
Il me sourit pour me rassurer.
« C’est un petit génie. Comme sa maman. Non, et puis…t’aurais dû voir comme il était content… »
« Tu m’achèteras pas avec tes compliments. On en discutera plus tard. »
Je m’installai sur le siège passager du Mule PRO et Carl monta à l'arrière, en me tendant un bloc-notes.
« J’ai terminé les tests que tu m’avais demandés. Ah oui ! Et j’ai aussi pris des notes sur le comportement de Bill et de Ted. Ils s’adaptent très bien, tu verras. »
« Il sont toujours ensemble ? »
Il acquiesça.
« On dirait bien. Même s’ils ne sont là que depuis un jour. »
« C'est une bonne nouvelle. »
Carl me tapota l'épaule.
« Carrément, que ça l’est ! »
Depuis sa sortie de prison, Carl était un nouvel homme.
Il m'avait fallu du temps pour pouvoir lui faire confiance ; et plus de temps encore pour que ses trois fils acceptent de le réintégrer au clan Haines. Mais à présent, il travaillait avec nous au par cet son aide nous était précieuse. Il était chargé de prendre les commandes et ne rechignait jamais à la tâche. Il était consciencieux et minutieux.
On aurait dit que la prison l’avait complètement changé.
Le bandit de grand chemin était devenu un gentil petit soldat.
Le seul couac était que Tommy avait trouvé une vieille photo de son grand-père quand il avait encore sa crête rouge sur la tête, et avait insisté pour le voir « comme ça en vrai. » Pour l’instant, Carl n’avait pas cédé à sa demande, mais comme il a-do-rait son petit-fils, j’avais bien peur que le pire finisse par arriver.
Nous franchîmes le grand grillage d’entrée du parc animalier et nous nous garâmes à côté de l’accueil, qui était l’ancien centre des visiteurs.
Anthony était à l'intérieur, assis derrière l’un de ses postes de contrôle, entouré de huit écrans d'ordinateur.
« Hello, Boss ! », me dit-il. « Je suppose que tout va bien ? »
« Pour l’instant. », grommelai-je.
« Jake s’est assagi. Tu devrais te détendre. Il ne ferait rien qui pourrait faire de mal à Tommy. »
« Ils avaient coupé leurs talkies-walkies et leurs téléphones !... Imagine si quelque chose était arrivé !... Ou si des meutes de loups s’était rapprochés d’eux !...On n’aurait même pas pu les prévenir !... »
Anthony haussa les épaules.
« Tu sais… J’ai un peu réfléchi à la question. Tu risques de te fâcher contre moi, mais je suis d'accord avec Jake. Tommy est assez grand pour l’accompagner au parc. Tant qu’il est surveillé, ça va. »
Je contournai le bureau pour aller chercher mon petit dernier de deux ans, qui jouait tranquillement dans son parc.
C’était un vrai bébé-sourire.
Mon cœur se remplit de joie quand il me montra ses petites dents de devant ; et je fondis complètement quand ses grands yeux bleus fixèrent les miens.
« Tu serais aussi d’accord, si c’était Alexandre ? », lui demandai-je en faisant rebondir le petit blondinet dans mes bras. « Ou est-ce que tu dis ça parce que c’est juste ton neveu ?... »
Anthony fronça les sourcils et réfléchit à la question.
« Je sais pas ?... Peut-être… mais je pense pas faire de différence entre Tommy et Alex. Après, c’est sûr que quand j’y pense… je serais pas fan de le laisser aller au parc… Mais il n’a que deux ans. S’il en avait cinq, je pense que j’accepterais l’idée. »
« Et bien, pas moi ! », lui répliquai-je. « Cinq ans, c'est trop petit. »
« Tu dirais quoi ? Six ? Sept ? »
« Je croirais entendre Jake ! »
Anthony se leva et m'embrassa sur la joue.
« Oublie pas qu’on est frères. C’est normal si on se ressemble quelquefois… »
Malgré cette question de laisser aller les petits au parc ou non, Anthony et Jake étaient des pères fantastiques et totalement dévoués à leurs enfants.
Et j’adorais voir naître la complicité entre eux au fil des années…
…Même si j'espérais secrètement avoir un jour une fille.
… Faut dire que je me sentais en infériorité, moi, avec tous ces mâles autour de moi !...
…C’est pour ça que nous essayions avec David.
… Alors je croisai fort les doigts et attendais patiemment le Miracle.
Carl poussa la porte et me prit Alexander des bras. Le bébé rigola quand son grand-père le plaça au-dessus de sa tête et se mit à lui faire des tas de des grimaces.
« Est-ce que tu comptes l’emmener visiter le parc, lui aussi ? », demandai-je sèchement.
En guise de réponse, Carl fit un large sourire à Alexandre.
« Ta maman se fait toujours d’la bile pour rien !... Bon, et toi ?... Tu vas aller faire dodo !... Eh oui, c’est l’heure de la sieste !... Sinon après, tu seras tout grincheux !... »
Parfois, il m’exaspérait et je lui aurais bien remonté les bretelles, mais je ne pouvais pas dire qu’il s’occupait mal de ses petits-enfants. J’avais d’ailleurs du mal à croire qu’il s’agissait du Crazy Carl totalement psychopathe d’autrefois... … Celui qui avait failli me tuer.
Comme quoi, les gens peuvent changer parfois.
Les ordinateurs d’Anthony avaient récupéré des tas de données sur les animaux et je mis une demi-heure à tout examiner et à tout trier, à la recherche de signaux alarmants, et plus particulièrement concernant les tigres.
Nous avions désormais deux cents félins à nous, dont la plupart provenait de zoos tombés en décrépitude ou appartenant à des propriétaires incapables de s’en occuper correctement. Les deux derniers arrivants, Bill et Ted, semblaient en excellente santé. Et toutes les données informatiques coïncidaient aux notes de Carl.
Notre activité se développait si vite que nous n’avions pas une minute de répit ; à tel point que nous avions dû embaucher prendre quelqu’un en stage dernièrement.
D’ailleurs, à ce sujet…
Je jetai un d'œil rapide à mon téléphone.
Un appel manqué d'un numéro de téléphone de Floride.
« Merde. Je suis à la bourre. »
Je courus vers l'entrée du parc, là où se trouvait l'ancien parking du zoo. Une fille à la chevelure rouge pétard m’attendait près du portail.
« Désolée, je suis en retard. », dis-je en déverrouillant le portail. « Tu dois être Polly. Je m'appelle Rachel Koenig. »
Elle rougit.
« Je vous avais reconnue… Je suis tellement heureuse de vous rencontrer en personne. »
Je la ramenai avec moi à l’accueil et lui fis faire un petit tour d'horizon.
Anthony était parti ; nous étions donc seules.
Je l’invitai à s’asseoir et débutai l’entretien d’embauche. Je n’avais préparé aucune question. Je me laissai guider par les questions qui me venaient en tête sur le moment : son expérience, son intérêt pour la conservation des espèces, les zoos où elle avait déjà travaillé et ce que ça lui avait apporté, selon elle...
Poly était diplômée de l’État de Floride, ce qui avait fait ressortir son CV par rapport aux autres.
« Vous avez validé votre Doctorat un peu plus tôt cette année ? »
« Oui, Madame, c’est bien ça. »
« Et comment va ce cher Bernard Laughler ? Est-ce qu'il travaille toujours au Département de biologie ?
La jeune fille fit la grimace.
« Oh oui, il est encore là. D’ailleurs, c’est la seule matière où j’ai eu un C. »
« Je ne vous en tiendrai pas rigueur parce que j'ai eu la même note. Et pourtant, Dieu sait si j’étais travailleuse !... »
L’entretien se déroula dans le calme. Polly était nerveuse, ça se ressentait, mais elle avait de l’expérience et j’aimais l’aisance et le naturel avec lesquels elle répondait à mes questions.
Je la reconduisis à l’entrée, lui serrai chaleureusement la main et lui dis que je la rappellerais très vite.
Puis, je regagnai le bureau et remis à contrôler les données avant de rentrer à la maison.
« Ah, tu tombes à pic ! », dit Anthony depuis la cuisine quand je passai le seuil. « J’allais t'appeler. »
« Rachel a battu le record, aujourd’hui. », déclara David en jetant un coup d'œil à sa montre. « Généralement elle passe une heure à regarder et à re-regarder et à re-re-regarder les écrans… »
Je les laissai me taquiner tandis que nous dressions la table.
Carl posa Alexander dans son par cet aida Tommy à s'asseoir. Il lui mit une serviette autour du cou et lui tripota les cheveux pour les lui mettre en désordre.
« Arrête, Papi !...Tu sais que ça m’énerve !... », se plaignit Tommy, mais avec une envie de rire dans la voix. C’était leur petit jeu du soir, avant de passer à table.
Je souris face à la scène.
Carl était quand même un sacré Papi-gâteau !...
Anthony apporta le dîner : bouillon de poulet.
Tommy regarda le plat en faisant la moue et rouspéta, parce qu’il « n’aimait pas ça », ce qui nous fit passer dix bonnes minutes à lui expliquer en long et en travers ce qu’il y avait dans la préparation.
Docile, il accepta quand même d’y goûter.
« Alors, comment s'est passé ton entretien ? », m’interrogea Jake.
Je tournai la tête vers lui pour lui répondre, droit dans les yeux :
« Fais pas comme si de rien n’était. Je t’ai toujours dans mon viseur. »
Jake haussa les épaules.
« J‘demandais juste comment ça s’était passé. »
« J’aimerais bien savoir aussi. », renchérit joyeusement Anthony.
« C’était bien. Je pense que je vais lui faire une proposition d’embauche. »
« Ce qui fait pencher la balance, c’est qu’elle vient de Floride. », me taquina Anthony. « Moi, je dis que tu devrais un peu plus chercher du côté de Duke. »
« Dès que Duke formera de manière correcte ses futurs vétérinaires, je me pencherai sur la question. »
Carl éclata de rire.
« Oh, pétard ! Elle t’a pas loupé, mon fils ! »
« Duke est une excellente école ! », protesta Anthony. « Pourquoi tu critiques sans savoir ?... »
Tommy tira sur la manche de son oncle et lui chuchota assez fort pour que je puisse entendre :
« J'ai vu un tigre aujourd'hui. »
« Je sais, mon pote ! On me l’a dit !... Je suis sûr que tu t’es régalé ... »
Je lançai un regard noir à Tommy, qui poursuivit en m’ignorant superbement.
« Il était orange, noir et y’avait même un peu de blanc sur son ventre. Papa a dit que c'était un tigre du Bengale. Ce sont des tigres qui viennent d’Inde. »
« Du sous-continent indien. », précisai-je. « Mais on les trouve aussi au Bangladesh, au Népal et au Bhoutan. »
« Il était si grooooos », continua Tommy. « Et il avait de belles rayures. Ça lui sert pour se camoufler, Papa m’a dit. »
Il avait pronconcé le mot lentement, en appuyant bien sur chaque syllabe.
« Ça, c'est super cool, mon pote ! », lui dit Anthony en partageant son enthousiasme.
« Je pense que c’est mon tigre préféré. Du monde entier !... Et toi, Papa, c’est quoi, ton tigre préféré ? »
Jake finit de mastiquer et posa délicatement sa fourchette.
« Moi, mon tigre préféré s'appelait Big Caesar. »
« Il était grand ? », demanda Tommy en écarquillant les yeux.
« Tu n’en as jamais vu d’aussi grand. », lui répondit Jake avec une fragilité dans la voix. « On l’a élevé depuis tout petit. Il était dans une cage, au début, et ensuite on l’avait mis dans le parc. »
« Wahouuuu ! », s’exclama Tommy, le regard pétillant. « Et il est où, maintenant ? »
Jake lui sourit tristement.
« Ça fait cinq ans qu’il est au ciel. En fait, il est parti juste quand tu es arrivé. »
« Oh. », dit tristement Tommy en baissant les yeux.
« Ne sois pas triste. Il a vécu une belle vie. »
Jake me regarda du coin de l’œil.
« Et c’est en partie grâce à ta Maman, parce que c’est elle qui a eu l’idée de faire construire le grand parc que tu connais. »
« Hey, au fait ! », intervint soudain Carl. « Tommy… Tu as montré à ta mère ce que tu as fait ? »
Tommy leva légèrement les yeux vers moi.
« J'attendais qu'elle soit plus en colère. »
Je posai ma fourchette et soupirai.
« Je n'étais pas en colère. J’étais juste inquiète. »
Mon fils sortit un morceau de papier tout plié de sa poche et le fit glisser vers moi comme s’il s’agissait d’une demande ultra-confidentielle.
Je dépliai le petit bout de papier : c'était un tigre, dessiné aux crayons de couleur. Et à côté du tigre, mon fils avait dessiné une femme aux cheveux jaunes, toute raide et dont les bras et les jambes étaient fins comme des fils de fer.
« C'est ça qu’on a vu aujourd'hui. », dit timidement Tommy.
« Et qui c’est, ça ? », demandai-je en désignant la femme-allumette.
« Bin, c'est toi ! Papi m'a dit que c’était toi la chef de tous les tigres du parc. Parce que tu les aimes et que c’est pour ça que t’as construit un parc rien que pour eux. »
Je jetai un coup d'œil à Carl.
« Ah oui ?... Papi a dit ça ? »
Carl m’adressa un grand sourire.
« C'était tropppp cooool de voir un tigre, Maman. », déclara Tommy. « Il faisait dodo, je pense qu’il faisait la sieste. Moi aussi, je fais des siestes, mais que quand je suis fatigué. Alors je pense qu’il était fatigué. En fait, ils font comme nous… »
Je pouvais voir l’étincelle dans les yeux de mon fils.
Découvrir le parc avait réellement éveillé son intérêt.
Il me rappelait moi, à son âge, le jour où j’avais vu un félin pour la toute première fois.
J’avais su instantanément que je voulais en faire mon métier.
« Tu sais quoi ? », dis-je en me penchant vers Tommy. « Si tu finis ton assiette, je t'emmènerai au parc avec moi demain. »
Ses yeux s'écarquillèrent et il me lança un regard rempli d’espoir.
« C’est vrai ? Tu me promets ?... »
« Je te promets. Mais il faudra être prudent. », le mis-je en garde. « Les tigres sont gentils, mais ils peuvent aussi être très dangereux. Je te donnerai un livre sur eux, ce soir. Tu pourras le regarder avant de te coucher et tu sauras ce que tu as le droit de faire et ce que tu n’as pas le droit de faire quand tu es avec eux. »
« D'accord, Maman ! », dit-il en se précipitant sur son reste de soupe.
L’idée de le ramener au parc dès le lendemain me mettait la boule au ventre, mais être parent signifiait aussi faire confiance à ses enfants et les et aider à grandir en expérimentant de nouvelles choses.
Même si ça nous faisait peur.
Je fis le tour de la table pour observer mes trois hommes.
Ils avaient tous le sourire aux lèvres.
David avait le sourire fier, Anthony partageait la joie de son neveu, et Jake me regardait avec gratitude.
Quant à Carl, il savourait le bonheur d’être là, en famille, autour d’une bonne table.
Je leur souris à tous en retour.
J’aimais cette famille que je m’étais créée plus que tout.
Aucun mot n’aurait pu décrire ce que je ressentais pour eux.
Et pour rien au monde, je n’aurais échangé ces moments.
… Et dire que tout ça avait commencé sur une vaste blague, lorsque ma colocataire et meilleure amie m’avait poussée à envoyer mon C.V au CRAZY CARL ZOO….

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